Créé en 2006 au > Théâtre Gérard Philipe
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Pelleas et Melisande
photo © Bellamy

mise en scène Alain Ollivier
assisté de Olivia Burton
scénographieAlexandre de Dardel
réalisation des toiles plissées et peintes Jean-Baptiste Marot assisté de Céline Legrand et Sarah de Téléga
lumière Pierre Gaillardot
son Anita Praz
costumes Claire Risterucci
avec
Anne Alvaro • Magali Montoya • Sylvie Pascaud
et avec la participation de Marine Jardin et Camille Rosa

production Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, Centre dramatique national

Compagnie Alain Ollivier

Le Marin
revue de presse

de Fernando Pessoa
mise en scène Alain Ollivier

Les silences du Marin de Fernando Pessoa
Dans la petite salle de répétition, toute en bois blanc odorant, du Théâtre Gérard Philipe, place au silence. Silence absolu d'abord des spectateurs qui, au bout d'un peu plus d'une heure de spectacle, oseront à peine applaudir et ne quitteront la salle qu'à grand-peine, comme stupéfiés.
Silence sur scène, un silence «qui prend corps, commence à être quelque chose », enveloppant l'assistance « comme un brouillard», silence entrecoupé par les presque monocordes des trois femmes qui veillent le corps d'une autre, à la lueur de trois bougies et de la seule fenêtre d'une pièce nue, au cours d'une nuit. « C'est si triste de parler ! C'est une façon si fausse de nous oublier nous-mêmes… », énonce l'une d'elles au début de cette veillée funèbre.
Ce fond de silence laisse pourtant place au verbe. Ce « drame statique » tel qu'il a été voulu par l'auteur, Fernando Pessoa, est un théâtre de langage, de paroles, «voix parlantes» comme l'écrivait dans sa préface du Marin (ed. José Corti), le poète et critique portugais José Augusto Seabra. Les voix des trois veilleuses, ce chœur antique, ces trois Parques, ne sont qu'une, celle de Pessoa, écrivain de vingt-cinq ans, qui a écrit la pièce en deux nuits.
 
La voix d'Anne Alvaro

La mise en scène d'Alain Ollivier respecte le silence et les mots. Peu de mouvement, peu de gestes, «chaque geste interrompt un rêve». les trois comédiennes bougent à peine, égrenant le texte avec lenteur, en une partition musicale rythmée de soupirs. La voix, grave et merveilleusement claire, d'Anne Alvaro, s'élève – comme l'intervention du soliste sur les instruments de l'orchestre que deviennent Sylvie Pascaud et Magali Montoya – , pour raconter la mer de son enfance et ce rêve du marin « perdu sur une île lointaine » et qui «construit en rêve… son nouveau pays natal».
Mieux vaut parler du passé ou du rêve, car «vivre, il n'y a que cela qui fasse mal… La vie, il ne faut pas l'effleurer, pas même avec l'ourlet de nos robes ». les mots sont simples, comme celles qui les prononcent, mais chaque mot est un choc, une dé rive vers l'ailleurs.
La tristesse indéfinissable du début progresse calmement vers la terreur et le désespoir d'une nuit hors du temps, sans horloge pour marquer les heures, où seule la jeune morte peut être heureuse car seule à croire au rêve.
Martine Silber, Le Monde, 26 et 27 mars 2006

 
D'emblée, tout est là: la mort, la vie, la mer. C'est une veillée funèbre. Trois jeunes filles entourent le corps d'une belle endormie vêtue de blanc. Assises, immobiles, le visage à peine éclairé par deux bougies, elles commencent à parler à voix basse. Seules leurs mains s'élèvent doucement dans la pénombre. Parler, oui, mais de quoi ? De ce qu'elles ont été ? Mais ont-elles été quelque chose ? Débusquer les rêves, alors ? Oui, cela est possible, car vivre fait mal et les rêves sont plus réels que la vie. Auteur de cette déambulation nocturne à trois voix, Fernando Pessoa avait 25 ans lorsqu'il a rédigé ce texte. C'est un "théâtre d'âme" fortement désincarné, un théâtre de l'évocation, de la réminiscence vague, du malaise, du mal-être. Familier de l'auteur symboliste Maurice Maeterlinck, le metteur en scène Alain Ollivier navigue avec aisance sur les eaux noires des âmes incertaines. le choix des comédiennes (Magali Montoya, Sylvie Pascaud, Anne Alvaro), le rythme lent de leurs paroles, l'atmosphère de recueillement, tout cela fait du Marin une soirée unique, austère bien sûr, mais empreinte d'une séduction étrange et pleine de grâce.
Laurence Liban, L'Express Mag, 16 mars 2006

 
(...) Alain Ollivier choisit de tenter de donner une forme spectaculaire au texte qui est "révélation des âmes à travers les paroles échangées", comme le pense Pessoa en 1913, lorsqu'il compose Le Marin qui unit les vois de trois jeunes filles veillant une jeune morte tout en blanc. Patrick Bouchainet Nicole Concordet ont aménagé l'espcae de la salle de répétition du Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis avec un grand soin et le décor d'Alexandre de Dardel s'y inscrit avec harmonie. Les lumières de Pierre Gaillardot sont très étudiées, tout ici, on le devine, est pensé avec une précision extrême. (...) Le seul événement, c'est une voile au loin que l'une d'elles a vu passer un jour... et ce marin dont elle rêve le rêve. C'est Anne Alvaro, gage de haute sensibilité ; Magali Montoya et Sylvie Pascaud ont également de véritables qualités. Mais quelque chose étouffe ici toute émotion. Quand à la fin la comédienne qui figure la morte se lève, on demeure dans le coton d'une proposition que l'on comprend intellectuellement mais qui ne parvient pas encore à nous toucher émotionnellement. C'est un objet de haute délicatesse.
Armelle Héliot, Le Figaro, 13 mars 2006

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